La gauche et le journalisme : une "passion" Française
http://www.atlantico.fr/decryptage/moutons-journalistes-francais-et-homogeneite-politique-vus-etranger-392232.html?page=0%2C0
http://www.atlantico.fr/pepites/journalistes-gauche-twitter-sondage-harris-interactive-391195.html
Selon un récent sondage, 74% des journalistes français auraient voté pour François Hollande au second tour de l’élection présidentielle. Ce résultat vous surprend-il ?
Hugh Schofield : Je pense que ça confirme avant tout une vision sur la presse en général. Les journalistes de tous les pays européens sont grosso modo, dans leur majorité, de gauche. Ce n'est pas typiquement Français, c'est une sorte d'establishment.
Ce qui est plus frappant en France, c'est qu'il devrait y avoir dans l'esprit journalistique plus de tapage sur l'establishment, plus
d'esprit critique en somme. C'est pour ça qu'en Angleterre le monde
journalistique est plutôt de gauche, car l'environnement anglais est
généralement de droite, avec l'importance des classes… Tandis
qu'en France les conservatismes sont plutôt de gauche, donc si on veut
être dans l'opposition et la critique des institutions on devrait être
un peu plus à droite. En France il est très conservateur d'être de gauche.
Quand
on regarde le monde journalistique "étatique" avec l'Agence France
Presse, Radio France…, il existe dans ce secteur des médias publics une
mentalité vraiment ancrée à gauche. Il y a une façon de penser presque
universelle, une sorte de moule idéologique, bien
qu'elle soit plus nuancée dans les journaux et magazines. Mais on
remarque vraiment cette "pensée unique" à gauche par la mainmise des
syndicats, avec par exemple les histoires d'une fusion ou non de Radio
France Internationale (RFI) avec France 24…
Charline Vanhoenecker : Les
Belges sont perméables aux médias français, ils s’y intéressent
beaucoup. Le cliché principal n’est pas celui du journaliste de gauche
même si je sais qu’il a la vie dure en France. En Belgique, c’est la proximité entre la sphère politique et la sphère médiatique qui nous frappe.
Ce sont par exemple les couples de journalistes et de politiques. Vous
en avez tout de même trois au sein de l’exécutif (François Hollande et
Valérie Trierweiler, Arnaud Montebourg et Audrey Pulvar, Michel Sapin et
Valérie de Senneville). En Belgique, ce fait est très marginal. Le
travers dans lequel peuvent tomber mes confrères belges est de passer le
Rubicon et de devenir par exemple porte-parole d’un homme politique.
Un
autre exemple : ces fameuses émissions « clé sur porte » dans
lesquelles Nicolas Sarkozy décidait du réalisateur, des journalistes, de
la boite de production, de la date etc. Cela parait inconcevable en
Belgique autant sur le service public que le service privé. Elio Di Rupo ne choisit pas son réalisateur ! Sur
le choix des journalistes, la règle est que le politique n’a pas son
mot à dire. Mais en étant tout à fait honnête, il existe aussi beaucoup
de jeux d’influence à ce niveau-là en Belgique.
En
réalité, le fait de l’avoir entériné ce cliché avec un sondage me
semble dangereux. Je trouve curieux de faire un tel sondage mais surtout
d’y répondre quand on est journaliste. Le résultat étant massif pour la gauche, je pense que cela peut porter préjudice à la profession. Les gens peuvent y voir une sorte de connivence et on peut très vite arriver au « tous pourris ».
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a-t-il aggravé la tendance ?
Hugh Schofield : J'ai lu un article
dans L'Express qui disait que ce chiffre était une preuve du fossé
actuel entre les journalistes et Nicolas Sarkozy, a contrario d'une
éventuelle connivence en 2007. Je ne suis pas d'accord avec ça. Pour moi
le journaliste classique français vit dans une sorte de micro-société
parisienne, et quoi qu'aurait fait Nicolas Sarkozy, il n'aurait pas
réussi à attirer vers lui les journalistes.
Cet
anti-sarkozysme est une tendance culturelle, très parisienne,
directement visée contre quelqu'un qui n'est pas de leur goût, pour
toutes les choses qui lui ont été reprochées. L'alliance entre les
politiques un peu plus classiques et les journalistes est un paradigme
de la société actuelle.
Charline Vanhoenecker : Il
ne faut pas oublier qu’en 2007 tous les journalistes étaient fascinés
par Nicolas Sarkozy. Si l’on avait le même sondage pendant la campagne
ou au début du quinquennat Sarkozy, je pense que 70% des sondés auraient
été cette fois-ci en sa faveur.
Les journalistes
sont embarqués dans le pouvoir au quotidien. Le référent absolu dans ce
domaine est vraiment Nicolas Sarkozy. J’ai le sentiment que, quand un
homme politique est au top, les journalistes suivent le mouvement car il
y a peut-être quelque chose à décrocher à la clé (la possibilité de le
suivre dans des voyages officiels, un poste, une sortie de placard,
etc.)
Je pense que cette connivence est
culturelle. Beaucoup de journalistes et de politiques fréquentent le
même milieu parisien, sortent des mêmes écoles. En Belgique, c’est
beaucoup plus éclaté, il n’y a pas qu’un seul cercle comme en France.
Après la publication, pendant la dernière campagne, de mon article
sur ces journalistes qui se voyaient déjà à L’Elysée, pas mal de mes
confrères français ont été agacés dans le « Hollande Tour ». C’est la
preuve que j’ai appuyé là où ça fait mal…
Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud
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