jeudi 13 décembre 2012

T'en veux ?



La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a indiqué le 18 novembre qu'elle «espérait» lancer en France l'expérimentation des salles de consommation de drogue «avant la fin de l'année».
Fort de cette invitation, Jean-Marie Le Guen, l'adjoint au maire de Paris en charge de la santé publique, souhaite qu'au prochain conseil de Paris, la Ville dépose une délibération afin d'accorder une subvention de 38.000 euros à Gaïa Paris, une association qui milite pour l'ouverture de salles d'injections supervisées. Outre cette contribution financière, la Mairie passerait une convention avec l'association afin «de participer à la phase de préfiguration d'au moins une structure médico-sociale innovante».

A lAppel, nous soutenons la prise de position de l'opposition qui préfère la prévention. «Ouvrir des salles de consommation de drogues (…) c'est banaliser l'usage et légaliser la consommation des drogues les plus dures et cela aux frais des contribuables!», indique l'UMP.  

D'autant que les médecins psychiatres, addictologues et spécialistes du sujet sont plus que divisés sur la question et pour ne parler que de ceux que nous partageons : 


Le Dr Xavier Laqueille, psychiatre et chef du service d'addictologie de Sainte-Anne (Paris), estime que ce genre de «shooting rooms» se justifie uniquement quand les drogués se regroupent en nombre important dans certains lieux publics comme c'était le cas en Suisse avant l'ouverture de Quai 9. «À Genève, les toxicomanes se retrouvaient tous dans les jardins, c'était calamiteux. Ici, nous ne sommes pas dans ce type de situation. Sans compter qu'en France, la politique de réduction des risques montre son efficacité», analyse le Dr Laqueille. Il déplore le discours militant de certaines associations qui «voient midi à leur porte et n'ont pas une vision globale des problèmes de toxicomanie». Selon lui, il vaudrait mieux créer des lieux de soins et d'hébergement en addictologie.

«La problématique est toujours la même en France: on aide les drogués à se défoncer tant qu'ils veulent, pourvu qu'ils n'attrapent pas le sida», résume sous couvert de l'anonymat un psychiatre spécialisé en addiction qui a longtemps travaillé à Marmottan. «La thérapeutique des toxicomanes a complètement été inversée avec l'épidémie de sida. On a alors privilégié la “prévention du risque” (sida, hépatites) au détriment des dangers psychosociaux liés à la toxicomanie. Avec ce type de centre, on ne résout pas la question de la dépendance: on l'entretient», déplore encore ce spécialiste.

De même , le bilan de ces fameuses salles de shoot est plutôt contrasté (fausse bonne conscience des pouvoirs publics, consommation en hausse, nombre de consommateurs en hausse, sur-risque d'overdoses...) :


L'objectif était de réduire la mortalité des toxicomanes, d'endiguer les infections ainsi que les troubles à l'ordre public. Vingt-six ans après l'ouverture, à Berne, de la première salle d'injection, il en existe aujourd'hui plus de quatre-vingts, dans une dizaine de pays, principalement en Europe. Mais le nombre de consommateurs de drogue a-t-il baissé pour autant?
Certainement pas, répondent les associations de lutte contre la drogue dans les différents pays concernés. Les nombreux rapports ont beau souligner que ces salles «aident à améliorer l'état de santé des usagers», «peuvent réduire le nombre de décès par overdose» ou encore «avoir un impact sur les taux d'infection au VIH et à l'hépatite C», ­elles passent sous silence bien d'autres aspects. «En réalité, elles entretiennent la dépendance aux drogues au lieu d'aider les gens à s'en débarrasser», assène ­Joséphine Baxter, vice-présidente de la Fédération mondiale contre les drogues. Dans son pays, l'Australie, la salle d'injection de King's Cross, créée en 2001 à Sydney, est très controversée. Aucun parti politique ne milite plus, d'ailleurs, pour d'autres ouvertures.

L'association Drug Free Australia a démontré en 2006 que le risque était trente-six fois plus important d'avoir une overdose dans la salle que dans le quartier alentour! «Les toxicomanes utilisent la présence de personnel médical comme une assurance contre les risques d'expérimenter des dosages plus forts d'héroïne», explique l'association. Comme dans les autres pays, la salle attire les dealers à ses portes. «Ces endroits créent un effet “pot de miel”, note Joséphine Baxter, où les dealers se regroupent pour vendre leur drogue aux acheteurs qui entrent ensuite dans la salle d'injection.»

Un sondage a également démontré l'effet pervers de l'ouverture de tels lieux: alors que 1,6 % des Australiens avouent avoir déjà utilisé de l'héroïne, ils sont plus du double (3,6 %), en Nouvelle-Galles du Sud, à affirmer qu'ils en auraient consommé si une salle était à leur disposition! En Allemagne, qui compte une vingtaine de salles, le nombre de décès liés à la drogue a baissé de 20 % l'an dernier par rapport à 2010. Mais, dans le même temps, le nombre de nouveaux consommateurs a grimpé de près de 15 %…

À Vancouver, Insite est depuis 2003 le premier lieu d'injection sous surveillance d'Amérique du Nord. En septembre 2011, la Cour suprême du Canada s'est prononcée pour le maintien de cette salle car «elle sauve des vies». Mais depuis cette date, le ­recours au Narcan, un médicament administré en cas d'overdose, est en augmentation constante. Le 14 septembre dernier, pour la première fois, un drogué est mort dans ces locaux. Et selon une étude publiée en 2007 par Colin Mangham, directeur de recherche au Réseau de prévention de la drogue du Canada, le bilan d'Insite serait mitigé: peu de réduction de la transmission de maladies, pas d'impact sur les morts par overdose à Vancouver et peu d'évolution des drogués vers des traitements de longue durée.

Certes, plusieurs études européennes ont démontré certaines atténuations dans les comportements à risque. Par exemple, 37 % des clients des salles d'injection ont affirmé avoir amélioré leur mode de consommation. À Berne, presque tous les clients ont indiqué avoir utilisé du matériel stérile. En revanche, à Hanovre, seulement 22 % des sondés ont affirmé avoir fait attention à l'hygiène.

Consommation en hausse


Deux études réalisées en Suisse ont constaté que plus de toxicomanes ont déclaré une augmentation de leur prise de drogue qu'une diminution. À Rotterdam également, 12 % des clients ont rapporté une baisse de leur usage de drogue, alors que 16 % reconnaissaient une consommation en hausse depuis leur fréquentation de la salle d'injection… À Genève, où siège le très médiatisé Quai 9, «l'avis des experts est peut-être très positif, mais pas celui des riverains!, fustige Patrice Bo-Sieger, de l'association Dites non à la drogue. Les dealers prolifèrent, parfois agressifs. C'est comme un supermarché, avec plein de petites boutiques tout autour… Des gens viennent même de France pour s'acheter leur dose».
Même constat aux Pays-Bas, qui compte une quarantaine de sites dans quinze villes. «Il y a deux ans, je suis allé voir une salle d'injection dans le quartier rouge à Amsterdam, raconte Serge Lebigot, président de Parents contre la drogue. Il n'y avait presque personne à l'intérieur, mais une ving­taine de trafiquants autour, et sous les portes cochères, en plein jour, des gens qui se piquaient. La police n'a pas le droit d'intervenir dans un certain périmètre autour des salles.»

«Une demi-heure de dignité»


Nombre de drogués, soulignent les associations, rechignent à s'enregistrer, craignent d'être interpellés, ou bien ne veulent pas se plier aux règlements intérieurs, parfois stricts. Selon une ­étude menée juste avant l'ouverture d'Insite, 92 % des toxicomanes de Vancouver se déclaraient a priori intéressés. Mais dès lors que l'on introduisait des restrictions (interdiction de partager la drogue, inscription nécessaire, acceptation d'un règlement intérieur), ils étaient de moins en moins… En Norvège, qui ne compte qu'un seul centre, à Oslo, seuls 10 % des usagers affirment l'avoir utilisé plus de six fois par mois. «Faute de résultat plus concret, les deux évaluations ont conclu que la salle d'injection avait “accru la dignité” de ses clients, rapporte Knut Reinaas, président de la Ligue norvégienne contre la drogue. Elle leur donne peut-être une demi-heure de dignité, mais qu'en est-il des autres 23 heures 30 de leur journée? Nous, on pense qu'il faut d'abord sortir les drogués de cet enfer… pour qu'ils puissent enfin mener une vie digne.»

Mais Marisol espère ....


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