Audrey aux Inrocks ? et pourquoi pas Valérie à Match !
En 2006
Arnaud Montebourg demandait avec force la démission de madame Borloo,
plus connu sous le nom Béatrice Schonberg, présentatrice du journal de
France 2, qui avait finalement été écartée en 2007.
Aujourd'hui, c'est différent ?
Laissons Jean Quatremer nous expliquer où est le problème.
http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2012/07/une-connivence-normale-.html
Une connivence « normale »
France
Inter et France 2, les deux médias dans lesquelles elle officiait, ont
pris conscience qu’un journaliste ne pouvait être ainsi lié à un
politique et l’ont donc écarté de leur antenne (voir ici
le récit de mon twettclash avec Audrey Pulvar). Cela étant, le service
public, dirigé par des personnalités directement nommées par Nicolas
Sarkozy, aurait pu lui proposer une émission où ses talents (non
journalistiques) auraient pu être employés. Une autre solution aurait
été que Montebourg renonce à sa carrière politique, mais de cela il n’a
jamais été question. Matthieu Pigasse, ancien conseiller de Dominique
Strauss-Kahn lorsque celui-ci était ministre des Finances (1997-1999) et
dont l’engagement socialiste n’est pas un mystère, n’a manifestement
pas les scrupules du service public, comme le montre sa décision
d’embaucher Pulvar. Il ne s’agit pas d’un acte manqué : il y a quelques
mois, il n’a pas hésité à nommer à la tête du Huffington Post Anne
Sinclair, l’épouse de DSK et ancienne « star » du journalisme, ce qui a
été vécu par la profession comme une provocation. Certes, celle-ci s’est
depuis séparée de son mari, ce qui lui redonne une certaine liberté,
mais à l’époque de sa nomination, ce n’était pas le cas.
D’ailleurs,
Arnaud Montebourg lui-même l’a souligné en avril 2006, dans Télérama, à
propos de la liaison entre Jean-Louis Borloo, alors ministre de
l’Emploi, et de Béatrice Schönberg, journaliste à France Télévisions : «
il y a un conflit évident d’intérêts. Dans le monde politico-médiatique
actuel, ceux qui ont le pouvoir se permettent de piétiner les règles du
jeu. Il est temps que cela change ». En novembre 2010, dans
l’émission « On n’est pas couché » de Laurent Ruquier sur France 2,
alors que sa relation avec Audrey Pulvar, est officielle, il ne renie
pas ses propos, mais les nuances, en expliquant qu’il n’est « rien », puisque le député PS est seulement candidat à la candidature, alors que Borloo « occupait une fonction très élevée »…
Dans un entretien à Libération
(le 14 juin 2012), Audrey Pulvar estime que les liaisons entre
politique et journalistes (en fait uniquement des femmes à ma
connaissance) ne posent aucun problème : « J’ai toujours pris la
défense de mes consoeurs, j’ai toujours considéré qu’elles restaient des
journalistes indépendantes et qu’il fallait juger sur pièces. À mon
avis Arnaud Montebourg a perdu une bonne occasion de se taire ». Elle reconnaît néanmoins que la situation peut vite devenir « intenable ».
Ces conflits d’intérêts sont anciens : il suffit de rappeler qu’en
1992, les journalistes Anne Sinclair et Christine Ockrent, femmes de
ministres socialistes, n’ont pas hésité à interviewer François
Mitterrand alors président de la République. Mais il est consternant de
noter qu’en vingt ans, les choses n’ont pas véritablement évolué : outre
le Président de la République (avec Valérie Trierweiler de Paris Match
qui possède désormais un bureau et une équipe à l’Élysée), trois
ministres vivent à des journalistes (Arnaud Montebourg, Michel Sapin
avec Valérie de Senneville journaliste chargé de la justice aux Echos et
Vincent Peillon avec Nathalie Bensahel journaliste chargée de la
rubrique France au Nouvel Observateur). Or, aucune de ces journalistes
ne semble prête à abandonner son métier.
De
plus, croire que les journalistes sont des êtres d’exceptions capables
de séparer leur profession de leurs affects ou de leurs intérêts est une
vaste plaisanterie. Le Point s’est livré, dans son édition du 21 juin
dernier à un exercice salutaire : l’hebdomadaire a relu les articles
écrits par Trierweiler dans Paris Match, entre 2004 et 2006, alors
qu’elle entretenait déjà une relation –longtemps demeurée secrète avant
d’être couverte par l’omerta journalistique jusqu’en juin 2007 - avec
François Hollande tout en couvrant… le PS (elle en sera déchargée fin
2006, ce qui lui évitera de suivre la campagne de Ségolène Royal). C’est
édifiant. Dès 2004, Hollande est peint sous les traits d’un homme qui a
l’étoffe d’un président de la République « normal », contrairement à
son épouse (qui pourtant se présentera en 2007). Ses adversaires au sein
de l’appareil socialiste seront systématiquement dépréciés et le nom de
Royal régulièrement passé sous silence… Il vaut mieux, car lorsqu’elle
en parlait, ce n’était guère sympathique, on s’en doute.
Il
ne s'agit pas de dire que ces journalistes qui protestent de leur bonne
foi mentent nécessairement : le conflit d'intérêts ne doit pas
forcément se matérialiser pour exister, il suffit qu'il y ait un risque,
une possibilité d'une confusion des genres, et que les tiers puissent
soupçonner qu'il existe. C'est, par exemple, pour cela, que les
professions juridiques sont soumis à un ensemble de règles très strictes
pour éliminer tout soupçon. Car, c'est le soupçon qui pervertit.
Si
cette barrière saute, pourquoi ne pas alors accepter que les
journalistes multiplient les ménages : un journaliste scientifique
acceptant de rédiger des études pour des laboratoires pharmaceutiques,
par exemple, ou votre serviteur faisant la même chose pour les
institutions communautaires ? L’amour, l’amitié, l’argent : si une
barrière saute, pourquoi s’arrêter en si bon chemin puisque nous sommes
des êtres d’exception capable de ne pas mélanger les genres ? En
réalité, c’est l’avenir de la profession de journaliste en France qui
est en train de se jouer. La République de Hollande se veut
irréprochable. Cela commence mal et sur une question fondamentale, celle
de l’indépendance de la presse, un des piliers de la démocratie.
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