mercredi 4 juillet 2012

Quelques réflexions à l'intention des Patrick Cohen, Thomas Legrand et autres représentants de la gauche médiatique préoccupés par la question de la droitisation de l'UMP

L'antisionisme d'une certaine gauche semble par contre leur poser moins de problèmes...



Gilles-William Goldnadel

 À nouveau, cette semaine, la thématique qui l'aura emporté médiatiquement, ce n'est pas la crise économique, ce n'est pas le compromis sur la croissance, ce n'est certainement pas la situation en Syrie, mais « la guerre des chefs » à droite, et davantage encore, la polémique sur la « droitisation » qui aurait fait perdre Nicolas Sarkozy.
Par un paradoxe, qui ne devrait pas tromper grand monde, ce sont les journaux les plus à gauche qui semblent se soucier le plus de l'avenir de la droite.

Lundi, Jean-François Copé, interrogé sur France Inter, faisait presque figure d'accusé pour justifier le «ni FN, ni gauche» décidé par l'UMP mais aujourd'hui contesté par François Fillon.
Lorsque l'actuel patron de l'ancien parti présidentiel a tenté de contester la moralité de l'alliance entre le PS et le Front de Gauche, il se sera attiré l'ironie mordante de Patrick Cohen et Thomas Legrand, et même «l'énervement» du premier, lorsque Copé osa reprocher à Mélenchon ses sympathies pour Théodorakis, l'antisémite revendiqué.
Comment ! S'indigna Cohen, l'extrême gauche est antiraciste, pas le FN. Quant à Mélenchon, il n'a jamais rencontré Théodorakis, et je suis énervé par cet argument. Donnez-nous des faits, exigea Thomas Legrand. Lorsque, en outre, Jean-François Copé crut devoir reprocher à l'extrême gauche son antisionisme, il y eut comme un grand et plat silence.

Le problème avec Cohen et Legrand, c'est qu'ils se croient intelligents. Le pire, c'est qu'ils le sont.
Rien à voir avec un Mermet ou un Paoli. Nous avons affaire au fleuron de la gauche médiatique française. J'ai même la faiblesse de croire en leur honnêteté intellectuelle. Je leur reproche seulement d'officier pour le service public et de faire autant transparaître leurs dilections.
Il n'est donc peut-être pas totalement vain de leur servir les faits qu’ils réclament, et, pourquoi pas, quelques thèmes de réflexion complémentaires.

Oui, Jean-François Copé a raison moralement et factuellement.
Il n'y a pas d'alliance entre droite et droite extrême, alors que la gauche socialiste assume d'autant mieux celle qui la lie à son extrémité, que nul ne se commet à la lui reprocher. Pourtant c'est celle qui n'existe pas qui est obsessionnellement mise en cause.
Il n'y a pourtant pas de querelle métaphysique à initier sur une poule socialiste dont l'accouplement consommé oblige désormais l’œuf de pigeon libéral à réfléchir sur son attitude, s'il ne veut pas continuer à être gobé.
Sur le fond, j'ai déjà été conduit à écrire dans ces mêmes colonnes, que la France est l'un des rares pays démocratiques, où le mot «anticommuniste» est encore considéré comme un gros mot ou une faute de gout.
Alors que Vichy reste la référence de l'horreur obligatoire, les souvenirs du goulag, les crimes de Mao, et les dictatures cubaine, birmane, nord-coréenne, vénézuélienne, chinoise, pourtant vivantes et mortifères sont autant de vaines évocations.
Bien sûr, on pourrait objecter -et on ne manque pas de le faire en ricanant- que le PCF d’aujourd'hui a peu de rapport avec le parti stalinien d’un Maurice Thorez embrassant voluptueusement Staline.

À ce compte, cependant, le Front National de 2012, même relooké incomplètement et imparfaitement par Marine, a encore moins de rapport avec le fascisme triomphant.
Après tout, on sort toujours le drapeau rouge et on chante toujours l’International, Mélenchon célèbre Castro, Chavez et les charmes d’un troisième tour dans la rue au démocratisme improbable, alors que je ne sache pas que dans le camp d'en face on arborât le svastika ni même la francisque ou que l'on entonne encore « Maréchal nous voilà ! ».

Reste l'antiracisme d'une extrême gauche, célébré non sans candeur par Patrick Cohen. Il a tout lieu, à mes yeux, d'une circonstance aggravante.
Mais qui n'est pas antiraciste ?
Si le Führer renaissait de ses cendres en 2012, je ne doute pas un seul instant qu’il se dirait, la main sur le cœur, opposé à tout racisme ou à tout antisémitisme, tout en revendiquant un antisionisme qu’il confessait déjà avec les mêmes accents misérabilistes utilisés aujourd'hui par la gauche extrême.
Lorsque Copé stigmatisait lundi l'antisionisme radical et pathologique des alliés du PS, ses interlocuteurs semblaient, littéralement, sourds.
Pourtant, est-il si difficile à entendre, cet accommodement à la violence faite aux juifs, au lendemain du massacre de Toulouse ou de l'agression de Villeurbanne ?
Est ce que, précisément, cet antiracisme obsessif, consubstantiel à la stratégie comme à la tactique de la gauche extrême, n'est pas de nature à rendre encore plus scandaleux sa tolérance pour l'antisémitisme du monde arabe, sa compréhension pour le terrorisme antijuif, son soutien au boycott des produits du seul État juif, son incroyable dévotion pour un vieil imposteur qui soutient que l'occupation israélienne est encore pire que l'occupation nazie ?

En son temps, Jean-Christophe Rufin avait eu l'intelligence et le courage de dire dans un rapport commandé puis passé à la trappe par Dominique de Villepin, alors Premier ministre, que l'antisionisme radical -que seuls les crétins ou les salauds peuvent confondre avec la critique de la politique d'Israël- incarnait aujourd'hui l'antisémitisme le plus dangereux.

Alors oui, Patrick Cohen, lorsque l’antiraciste Mélenchon accepte de publier fièrement un appel lancé par Mikis Théodorakis, connu depuis des années pour son antisionisme débridé, et qui revendique aujourd'hui avec franchise son antisémitisme, cela vaut largement la citation d'une phrase d'un livre d'un écrivain collaborationniste.
C'est plutôt ce commode accommodement qui devrait énerver et même incommoder les antiracistes de France Inter et de la France entière.
Retour au débat sur la «droitisation». Quelques alliés de François Fillon sont ravis de jouer les utilités, mais après le match et le résultat connu, devant des micros extatiques.

Pour le dire sans trop d'acrimonie, je ne suis pas certain que Messieurs Solere, Baroin et Mme Koscucio-Morizet, se soient révélés, en la circonstance, comme des historiens de grande altitude.

Au premier, mon ami Stéphane Courtois a été contraint de donner, dans ces mêmes colonnes, quelques mauvais points. Il faut dire que le tombeur de Claude Guéant l'avait un peu cherché.
Venir expliquer au micro de Jean-Luc Bourdin sur RMC, que la différence entre l'extrême gauche et l'extrême droite correspondait à la Résistance et à la Collaboration, relevait effectivement de la grosse bourde.
Le co-auteur du «Livre noir du communisme» dut donc rappeler d'où venaient Pierre Laval, Jacques Doriot et Marcel Deat. Il eut pu ajouter à cette liste d'hommes de gauche celui d'Angelo Tasca.
Pour ajouter mon grain de sel sur une plaie inexistante pour cause d'occultation historique, je renverrai également mes lecteurs, parmi lesquels je suis sûr de compter M. Solere, à l'excellent ouvrage de référence de l'historien bien à gauche Simon Epstein, qui a montré que nombre de militants dreyfusards éminents (pour cause d'antimilitarisme pacifiste, notamment) ont fait de très convenables pétainistes.

Ayant causé sans doute chez certains une surprise qui n'a rien de divin, j'en arrive naturellement à Charles Maurras qui devient pour d’aucuns la référence pratique lorsque l'on répugne à embrigader Pétain, Mussolini ou Hitler, usés jusqu'à la trame trop visible.
Il semblerait que Mme Kosciusco en ait fait dernièrement un usage quelque peu immodéré sans que je sois persuadé qu'elle ait relu récemment l'œuvre complète du fondateur de l'Action Française.
M. Buisson, aurait, selon elle, voulu faire triompher cet antisémite, royaliste, anti républicain revendiqué. Rien que cela.

Question, en passant, à NKM :  Patrick Buisson, en contribuant, de l'aveu même de celui, à la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007, avait-il déjà porté au pouvoir Charles Maurras ?

Question subsidiaire : qui, durant la dernière campagne présidentielle, a commis les bévues les plus signalées : réponse 1 : Nicolas Sarkozy ? (Encore que je n'ai pas souvenance que les observateurs, pourtant réputés pour leur vigilance sévère, en aient consigné de notables).
Réponse 2 : François Fillon ? (J'aide un peu : pensez à sa sortie, dont il dût s'excuser, sur les viandes halal et casher et pour avoir morigéné Jeannette Bougrab qui avait osé contester l'existence d'un islamisme modéré).

En tout état de cause, il faudra que l'ancienne porte-parole qu’avait cru devoir choisir le président sortant (qui ne semble pas vouloir appliquer le droit d'inventaire à sa personne) et M. Baroin harmonisent leurs références historiques.
Ce dernier ayant décrit M. Buisson comme un antigaulliste primaire, je rappellerai à nos deux historiens de circonstance, que Charles De Gaulle était un maurrassien de formation très convenable.

Enfin, quelques questions, pour l'anecdote, autour de la Gay Pride.
Les homosexuels étant, fort heureusement, sortis de leur ghetto, est-il désormais nécessaire, pour affirmer leur normalité de la manifester par l'extravagance ?
L'expression « Gay Pride » est-elle si adéquate ? Personnellement, je ne tire ni honte ni vanité particulière de mon hétérosexualité assumée sereinement.
Enfin, quitte à occuper la rue, il m’aurait été réconfortant de voir, ne serait-ce qu'un dixième du nombre des manifestants comptabilisés, défiler contre les massacres en Syrie.
Hier, 83 Syriens sont morts alors qu'ils participaient à des funérailles.
Qui va les enterrer ?

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