Il fut un temps où Ayrault jugeait urgente la mise en œuvre du référendum d'initiative populaire...
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Comme le dit justement Anne-Marie Le Pourhiet, à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, un modeste progrès démocratique ne serait pas un luxe dans notre pays.
Le 9 septembre 2009 était enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale une proposition de résolution du député Jean-Marc Ayrault, déposée au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, estimant « urgente la mise en oeuvre de l’article 11 de la Constitution sur l’extension du référendum ».
De quoi s’agissait-il ? La révision constitutionnelle de 2008, lancée par le président Sarkozy, a introduit dans notre texte fondamental une nouvelle procédure assez originale qui n’est pas le référendum d’initiative populaire, bien connu dans certains États, mais un référendum d’initiative conjointe, parlementaire et citoyenne.
Il s’agit de permettre à un cinquième des membres du Parlement (soit 185 parlementaires) soutenus par un dixième des électeurs inscrits (soit environ 4,5 millions de citoyens) de proposer un référendum sur une question portant sur l’organisation des pouvoirs publics, la ratification d’un traité ou la politique économique, sociale ou environnementale de la nation ou les services publics qui y concourent. L’article 11 est cependant très verrouillé puisqu’il prévoit que le président de la République soumet la proposition de loi au référendum « si elle n’a pas été examinée par les deux Assemblées » dans le délai prévu par la loi organique d’application. Autant dire que le parti majoritaire dans les deux Assemblées a tout pouvoir d’empêcher un référendum puisqu’il lui suffit de faire inscrire le texte à leur ordre du jour pour l’éviter. Le risque politique est donc faible, et les Français ne seront sûrement pas consultés tous les six mois, d’autant que le seuil d’un dixième des électeurs est très élevé comparé, par exemple, à celui des 500 000 signatures qui suffisent en Italie.
Ce nouveau type de référendum avait été proposé par le comité Balladur, reprenant en cela les propositions du comité Vedel de 1993, mais il déplaisait manifestement au gouvernement précédent qui ne l’avait pas inscrit dans le projet de révision initial, de telle sorte que ce sont les parlementaires eux-mêmes qui l’ont ajouté en cours de débat. Malgré la rédaction blindée de l’article 11, c’est peu dire, cependant, que le gouvernement Fillon a ensuite traîné des pieds pour préparer le texte organique. Cette réticence avait déclenché la résolution des députés socialistes, soudainement érigés en champions de la démocratie directe dont la gauche n’a jamais pourtant été le meilleur avocat. Le projet de loi organique a finalement été déposé à l’Assemblée nationale le 22 décembre 2010 et n’y a été voté que le 10 janvier 2012, avant de s’échouer au Sénat où il végète depuis.
Sans doute doit-on regretter que l’occasion ait été manquée d’introduire en France un véritable référendum d’initiative populaire et peut-on constater avec regret en quelle méfiance voire en quel mépris le verdict populaire a encore été traité lors de la discussion de ce texte. Il n’empêche que la légère ouverture, fût-elle symbolique, qu’il inaugure mériterait d’être maintenant rapidement mise en oeuvre. Si la gauche ne veut pas être accusée d’être plus préoccupée par le droit de vote des étrangers que par la volonté du peuple français et que les grandes tirades de ses ténors dans l’Hémicycle sur le caractère indépassable de la souveraineté populaire, paraissent crédibles, il serait bon que le gouvernement se montre cohérent.
Les citoyens italiens ont pu récemment se rendre aux urnes pour abroger des lois concernant le programme nucléaire de la péninsule, la privatisation de l’eau et même l’immunité judiciaire du président du Conseil. Les Californiens se sont prononcés contre la remise en question du programme de protection de l’environnement de leur État. Les Suisses ont pu s’opposer à la prolifération des minarets sur leur territoire. Même les Anglais, dont la Constitution coutumière ne permet pas le référendum décisionnel, ont cependant pu, par une consultation populaire que David Cameron s’est engagé à respecter, s’opposer en 2011 à un changement de mode de scrutin qui aurait bouleversé leur régime politique.
Il n’y a que nous, pauvres Français, qui soyons tout juste bons à donner quasiment les pleins pouvoirs tous les cinq ans à un président de la République sans plus avoir jamais le droit ensuite d’être consultés sur aucun sujet. Nous voilà privés de démocratie directe parce que nous aurions, paraît-il, mal répondu à la question posée en 2005 sur le traité constitutionnel européen et que notre suffrage sentirait, selon certains experts outragés, le populisme vulgaire. Vox populi, vox diaboli !
Dans sa résolution de 2009, Jean-Marc Ayrault indiquait au sujet de la future loi organique relative au référendum d’initiative conjointe : « Pour revivifier la démocratie, nous considérons que les modalités d’application de l’article 11 doivent avoir pour objectif de rendre cette procédure utilisable, à moins que celle-ci ait fait partie du marché de dupes de la révision constitutionnelle de 2008 qui était censée renforcer notamment les droits des citoyens. »
Les Français s’impatientent effectivement, et ne seront pas dupes. Le premier ministre lui-même a affirmé l’urgence de cette réforme. À l’occasion du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, un modeste progrès démocratique ne serait pas un luxe dans notre pays.
Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public
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